Faire vivre la sobriété collaborative en Île-de-France

19 mai 2020ContactMarie-Laure Falque Masset

La sobriété énergétique, l’un des trois piliers fondamentaux de la démarche promue par l’Association négaWatt (sobriété, efficacité, renouvelables) depuis sa création en 2001, consiste à réduire la consommation d’énergie par des changements de comportement, de mode de vie et d’organisation collective. Pour négaWatt, il faut en réalité parler des sobriétés : structurelle, dimensionnelle, d’usage et coopérative (lire le dossier : Inventer le récit de la sobriété énergétique en Île-de-France).

La sobriété coopérative ou collaborative relève d’une logique de mutualisation des équipements et de leur utilisation.

La crise actuelle nous a encouragés à penser différemment nos besoins. Elle va certainement modifier aussi nos modes de vie.
La sobriété coopérative suppose de mettre en place des organisations collectives et de mutualiser l’espace et nos biens pour répondre, d'une manière plus efficiente, à nos besoins de services énergétiques tels que :

  • Habiter : habitat participatif, buanderies collectives, bricothèques...
  • Se déplacer : transports en commun, autopartage, covoiturage...
  • Travailler : espaces de coworking, tiers-lieux, plateformes de fichiers partagés...

Ces formes de mutualisation sont en plein essor en Île-de-France. Même dans un contexte compliqué, il  ne semble pas irréaliste de poursuivre ces innovations et d’adapter ces services partagés notamment aux nouvelles consignes sanitaires.

Voici quelques exemples de cette sobriété collaborative :

Innovations franciliennes et exemples internationaux

L’habitat participatif

À l’image des béguinages, la Maison des Babayagas a vu le jour en 2012 à Montreuil. Réservé aux femmes de plus de 60 ans, cet immeuble d’une vingtaine de logements offre à ses résidentes des parties communes comme le jardin ou les salles d’activités. C’est une expérience pionnière en France qui a depuis essaimé à Paris ou en Essonne. La résidence a de plus la particularité d’être autogérée.
De manière approchante, mais gérés classiquement, commencent à se développer des habitats intergénérationnels avec des espaces partagés, comme ceux de Guyancourt ou de Mennecy, co-développés par Eiffage Immobilier et Récipro-Cité (société d'ingénierie sociale spécialiste de la mixité intergénérationnelle).

Les buanderies collectives

Elles sont très répandues au Canada, en Allemagne, en Suisse, en Suède ou encore en Belgique.
Par exemple, en Allemagne, beaucoup d'immeubles disposent d'une buanderie au sous-sol, avec interdiction d'installer sa machine à laver dans son appartement, afin d’éviter les dégâts des eaux.
En Suède, elle a été créée par HSB (la coopérative immobilière suédoise) dans les années 1920 et s’est développée à partir des années 1940, pour couvrir l’essentiel du parc immobilier suédois dans les années 1970, dans l’espoir égalitaire et démocratique de faciliter la vie des femmes.
Chez nous récemment, c’est à la faveur d’un appel à projet de la SEMAPA pour la construction d’un nouvel immeuble qui devait répondre à la problématique: « comment aider les habitants d’un immeuble à faire de meilleurs choix : pour eux, pour la collectivité, mais également pour l’environnement ? » que se construit à Paris l’immeuble « Nudge » qui a également la particularité d’offrir de nombreux espaces et services partagés au sein desquels on trouvera une buanderie collective.

Les bricothèques

Développées en France par l’intermédiaire des régies de quartier, les bricothèques ont été créées dans le but de renforcer les liens sociaux des plus démunis. Il en existe actuellement une vingtaine en France. Le système de prêt fonctionne de la même façon que celui des bibliothèques et des médiathèques : les outils sont prêtés pour 3 ou 4 jours contre une adhésion annuelle de quelques euros. On en trouve notamment à Asnières-sur-Seine, Bièvres, Champigny-sur-Marne, Montreuil et dans certains arrondissements parisiens.
Il existe également des sites comme « allovoisins » qui proposent de la location de matériel entre particuliers.
À côté de ces systèmes de prêts, de nombreux repair cafés ont vu le jour en Île-de-France. Dans ce cas, il s’agit d’apporter des objets défectueux pour les faire réparer et même apprendre à les réparer. On en dénombre environ une cinquantaine répartis dans tous les départements d’Île-de-France.

Les bornes de recharge électrique collaboratives

La société WattPark, située à Saclas dans l’Essonne, a développé un type de borne de charge réservable et monétisable. Cette borne de charge collaborative est réservable grâce à une appli sur mobile, sur le principe de Airbnb. Le marché visé est très large : particuliers, entreprises, grandes surfaces, collectivités. Le propriétaire de la borne et de la place de parking peut décider de l'utiliser pour son propre usage ou de la proposer via l’appli Wattpark à tout type de clients (déploiement au cours de l’année 2020). L’entreprise a d’ailleurs bénéficié d’une aide de 490 000 euros de la Région Île-de-France au travers du programme Innov’up Leader PIA pour son budget de recherche et développement qui s’élevait à 1,2 millions d’euros.

Le collaboratif dans la sobriété numérique

Dans le cadre de ses travaux sur la sobriété numérique, The Shift Project a étudié la solution collaborative d’échange de documents bureautique via une plateforme partagée. Il s’agit de diminuer le nombre d'exemplaires d’un même document stocké sur les serveurs utilisés par l’entreprise (qu’ils soient situés dans un data center interne ou externe), en privilégiant l’échange de documents via une plateforme synchronisée sur serveur partagé - type Dropbox, Sharepoint, OneDrive etc. - plutôt que par mail. L’objectif est de limiter le plus possible les données échangées aux données indispensables. Il s’agit donc d’inciter à modifier les usages en modifiant le vecteur de partage des fichiers sans avoir à changer les infrastructures. The Shit Project montre que cette solution peut permettre une diminution de 40% des émissions sur cet usage.

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