Le hors-site, une opportunité pour la construction durable ?
Dans la course vers la décarbonation, tous les secteurs doivent s’engager. En France, celui du bâtiment et des travaux publics reste l’un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre et continue à produire des déchets en grande quantité. De nombreux leviers doivent être activés pour rendre ce secteur plus durable, et répondre aux enjeux de production de logements et de rénovation thermique. Parmi les réponses possibles, la construction « hors-site » connaît un regain d’intérêt depuis quelques années.
Protection des ressources, zéro artificialisation nette (ZAN) et zéro émission nette (ZEN), production de logements (sociaux, notamment) et rénovation thermique du parc existant : face aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux, le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) doit intégrer ces problématiques multiples mais surtout se référer à la trajectoire de réduction des émissions des gaz à effet de serre formalisée dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Malgré l’avancée de la réglementation et des lois (lire Des avancées dans le BTP), le secteur du BTP a encore du chemin à parcourir. Différents leviers doivent être activés afin de répondre aux enjeux : réhabiliter plutôt que construire, concevoir bioclimatique et low-tech, économiser la matière, choisir des matériaux renouvelables et/ou recyclables, biosourcés et géosourcés… Pourtant, le secteur continue de produire une grande quantité de déchets et de pollutions. En tête en termes d’empreinte carbone, le ciment, le béton armé et l’aluminium restent majoritairement utilisés dans la construction. Mais, de la structure à la finition, tous les matériaux sont concernés, comme les isolants synthétiques (polystyrène, par exemple) issus de la pétrochimie. Dans ce contexte, la construction hors-site se positionne comme l’une des réponses. Sans promettre un changement radical vers l’utilisation de matériaux biosourcés et géosourcés, le hors-site propose de construire plus rapidement, avec moins de nuisances et en optimisant la matière.
UN NOUVEL ESSOR DE LA PRÉFABRICATION
En France, le hors-site renvoie à l’histoire de la préfabrication et à de nombreux projets phares ou démonstratifs en faveur d’une construction adaptée aux besoins, aux matériaux et aux techniques modernes. Par ailleurs, des projets alternatifs utilisaient déjà la préfabrication, comme la Maison Feuillette (voir plus bas). La construction hors-site est cependant stigmatisée en raison des problèmes rencontrés par les programmes massifs de reconstruction lancés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (malfaçons, faible qualité architecturale, paysage standardisé…), dans un contexte de pénurie de matériaux et de main-d’œuvre, qui n’est pas sans faire écho à la crise actuelle. Le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, créé en 1944, encourage la préfabrication et la coopération des architectes, industriels et entrepreneurs. Grâce à l’arrivée du procédé Camus2, une partie des grands ensembles apparaît, modifiant les paysages franciliens : le Shape-Village à Saint-Germain-en-Laye, les Courtilières à Pantin, la Faisanderie à Fontainebleau… En 1953, à l’aune du Plan Courant3, qui vise une production de 240 000 logements par an, les systèmes de préfabrication lourde, avec des éléments de plus en plus grands et en béton armé (murs porteurs, panneaux de plancher, murs de façade, etc.), sont développés davantage. Le 1er février 1954, l’appel de l’abbé Pierre est diffusé, dénonçant le mal-logement en France : bidonvilles, logements surpeuplés et insalubrité. En 1958, les zones à urbaniser en priorité (ZUP) sont créées, comme la Cité des 3 000 à Aulnay-sous-Bois et la Cité des 4 000 à La Courneuve, construites avec la « méthode du chemin de grue » : une grue est installée sur des rails afin de faciliter la mise en œuvre des éléments préfabriqués tout en augmentant la rapidité. La préfabrication permet de réduire les coûts et de construire rapidement, mais sa mise en œuvre a pu nuire à la qualité architecturale. De 1945 à 1970, les chantiers expérimentaux révèlent des problèmes, notamment thermiques et acoustiques, alors qu’un paysage de tours et de barres standardisées se dessine. À la fin des années 1970, la crise énergétique change la donne. La qualité de vie dans ces bâtiments ne cesse de se dégrader, dans un contexte de crise économique et sociale. Ce n’est que dans les années 1990 que de vastes programmes de réhabilitation des grands ensembles et de lutte contre l’exclusion sont lancés, dans le cadre de la politique de la ville. En 2003, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) est créée afin de mettre en œuvre le Programme national de rénovation urbaine (PNRU), poursuivi en 2014 (NPNRU). Il est questionné, ces dernières années, au regard des enjeux énergétiques, écologiques et climatiques.
LA CONSTRUCTION HORS-SITE, UN PROCESSUS PRÉSENT PARTOUT
Pascal Chazal4 est l’un des premiers en France à parler de « hors-site » (de l’anglais off site), dès 2015, en référence à la préfabrication d’éléments hors du chantier, ensuite assemblés pour constituer un bâtiment. Il s’agit d’un processus de projet intégrant une phase de fabrication en atelier ou en usine de certains composants. Cela peut aller de systèmes filaires « 1D », comme les poteaux ou les poutres, en passant par les panneaux « 2D », intégrant ou non les équipements sanitaires et techniques, aux systèmes volumétriques « 3D », soit des modules prêts à l’usage avec toutes les finitions prévues et les équipements, mais cela concerne aussi des systèmes hybrides. On utilise couramment des composants tels que des escaliers ou des modules de fenêtres. Les composants, de l’élément au module 3D, sont fabriqués en atelier, en usine ou sur un site dédié, puis transportés et assemblés sur chantier. Le processus de projet et ses étapes de réalisation diffèrent du processus traditionnel. L’anticipation nécessaire en amont pour intégrer de nombreux paramètres en est favorisée. Elle permet d’intégrer, dès les premiers choix, les ambitions environnementales et économiques, les études préalables, voire les recherches. Le développement des outils numériques permet de manipuler un grand nombre de données (impact carbone, eau, déchets, approvisionnement…), et facilite le suivi et le contrôle. La phase de chantier est la partie la plus visible, avec un montage précis et orchestré, parfois spectaculaire, s’apparentant à certains chantiers d’infrastructures et renouvelant les conditions de travail. On retrouve le hors-site dans quasiment tous les programmes et typologies de bâtiments : hôpitaux, bâtiments d’activités, équipements publics, logements, etc. Dans de nombreux programmes, la capacité de démontage et de désassemblage ainsi que la flexibilité sont recherchées. La part de la réhabilitation et de la rénovation se développe : elle est particulièrement d’actualité, avec des programmes de surélévation et de transformation où l’on intervient en site occupé ou bien pour limiter le poids (en intégrant le bois, par exemple). Beaucoup de constructions éphémères, parfois préservées, en tout cas re-modulables ou déplaçables, y recourent, comme les installations de chantier, les écoles provisoires, les hébergements d’accueil ou les abris d’urgence. C’est aussi intéressant pour les terrains sensibles en termes de place pour le chantier, en milieu dense, ou en termes d’accès. En pleine crise du logement, les bailleurs sociaux, comme Immobilière 3F, y voient un recours dans leurs opérations, notamment en raison de la rapidité de mise en œuvre pour le neuf, mais aussi pour la rénovation. La filière hors-site met en avant de nombreux leviers pour répondre aux attentes et aux ambitions de performances durables, de décarbonatation et de circularité dans le secteur du bâtiment. Cependant, elle devra encore approfondir et faire face à de nombreux défis pour se développer et fédérer les acteurs : le contexte des chantiers, avec la pénurie de ressources et la gestion des déchets, la pénurie de main-d’œuvre et la complexité toujours plus grande de la coordination des intervenants, mais aussi le contexte de la construction en site dense, et le défi de la rénovation, associés à la qualité architecturale et d’usage.
L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE CHANTIER
La construction hors-site est au cœur des réflexions sur le chantier à faible impact (réduction de l’impact carbone, de l’eau, des déchets, du bruit, etc.). Les nuisances et les pollutions liées au transport de l’atelier au chantier sont à étudier, et à réduire. Par exemple, repenser le temps de livraison des éléments préfabriqués sur une période plus réduite, moins dispersée et définie par rapport au voisinage limitera les désagréments de chantier pour les habitants. Les conditions de travail sur le chantier sont un point de vigilance : elles nécessitent des formations pour les entreprises. Mais surtout, développer la préfabrication et donc l’assemblage en atelier est l’occasion de réfléchir aux conditions de réduction de la pénibilité du travail des ouvriers. Le challenge de la relance industrielle lui donne aussi une occasion singulière, que souligne l’appel à projets « Construction et rénovation hors-site » (CRHOS), lancé sur l’ensemble du territoire français.
LA QUALITÉ ARCHITECTURALE ET LE RISQUE DE STANDARDISATION
Le hors-site transforme le processus de projet, des études au chantier. L’anticipation de la sélection de l’entreprise lors des phases de conception peut permettre des phases de test et de prototypage, de collaboration créative et d’apprentissage collectif. Répondre aux enjeux de qualité architecturale et de transition écologique s’accompagne d’une réflexion et d’un engagement dans une démarche pluridisciplinaire collaborative. La collaboration entre la maîtrise d’œuvre (architecte, bureaux d’études et partenaires), l’industriel, l’entrepreneur et la maîtrise d’ouvrage est indispensable pour éviter l’écueil de la standardisation dans nos paysages architecturaux. Enfin, la recherche de qualité, de performance et de fiabilité, et le partage des bonnes pratiques sont indispensables, comme en témoigne la sortie récente d’une nouvelle certification française, la certification QB Modulaire, nouvelle application de la marque QB-Qualité pour le bâtiment du Centre scientifique et technique du bâtiment.
LE DÉFI DU BIOSOURCÉ ET DU GÉOSOURCÉ
La construction hors-site peut s’adapter à un large panel de matériaux conventionnels (béton de ciment, acier…). Mais aujourd’hui, l’un des enjeux majeurs est d’intégrer les matériaux biosourcés et géosourcés de façon significative, et de répondre aux contraintes de désassemblage pour la réutilisation et/ou le recyclage. Collaborer avec les filières biosourcées et géosourcées (celles de la paille, de la terre crue et du chanvre, par exemple) est une opportunité à développer afin d’intégrer de nouveaux matériaux et produits. Un enjeu réside dans la coordination avec ces filières pour répondre au marché afin d’adapter et de diversifier les systèmes constructifs et les matériaux, selon le contexte du projet. La filière hors-site doit donc relever les défis de ces filières, notamment en termes de normes et d’assurance. C’est aussi l’occasion de créer des fabriques locales, quand le risque de délocalisation ou d’éloignement des entreprises et de la chaîne de transformation existe. C’est l’exemple de la fabrique Cycle Terre, à Sevran, qui fabrique des matériaux en terre crue issue des chantiers du Grand Paris, de Wall’up préfa, qui réalise des caissons bois remplis en béton de chanvre en Seine-et-Marne, en lien avec la chanvrière Planète Chanvre, ou encore de Bati Sens, qui produit à Corbeil-Essonnes des murs ossature bois autoportants et isolés de bottes de paille. La formation des professionnels de la construction hors-site orientée vers les matériaux biosourcés et géosourcés doit être encouragée. Enfin, construire hors-site ne doit pas s’opposer à la mise en valeur des savoir-faire locaux et des bonnes pratiques de construction portées par l’artisanat.■
1. Le principe est de soumettre le versement d’aides publiques au respect de critères écologiques et environnementaux ou de bénéficier de déductions fiscales sous réserve d’actions précises en faveur du développement durable.
2. Du nom de l’ingénieur Raymond Camus, ce procédé breveté en 1948, au Havre, visait l’économie de matière, dans un contexte de pénurie. Pour pallier le déficit de mécanisation sur le chantier, de grands panneaux porteurs en béton sont fabriqués à l’avance, tout en minimisant les assemblages, allant jusqu’à l’incorporation d’équipements (sanitaires, conduits, accessoires d’électricité, etc.).
3. Du nom de Pierre Courant, alors ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme.
4. Fondateur du groupe Hors-site et créateur de l’entreprise Ossabois, spécialisée dans la construction hors-site en bois.
DÉFINITION
Le hors-site fait écho à la préfabrication, définie dans le Code de la construction et de l’habitation : « la conception et la réalisation d’un ouvrage à partir d’éléments préfabriqués qui font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos et de couvert du bâtiment, et peuvent intégrer l’isolation et les réserves pour les réseaux divers, qui sont produits sur un site qui peut être soit une usine ou un atelier, soit une installation temporaire jouxtant le chantier, et qui sont assemblés, installés et mis en oeuvre sur le chantier ».
DES AVANCÉES DANS LE BTP
La prise en compte de l’empreinte carbone des matériaux, jusque-là cantonnée à des maîtres d’ouvrage ou d’œuvre volontaires, à l’incitation ou à l’éco-conditionnalité1, est pour la première fois intégrée à la réglementation thermique, devenue RE2020. La trajectoire de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) évolue elle aussi, avec la troisième version en cours d’élaboration. La dernière version (SNBC-2) vise une réduction de 75 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990, dans tous les secteurs d’activité, en s’appuyant sur la décarbonation de l’économie, la circularité et la durabilité. La Stratégie nationale biodiversité, en cours d’élaboration, souligne l’enjeu des filières courtes, du recyclage des matériaux, du recours aux matériaux biosourcés, et de la protection des milieux et des ressources. La loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) du 1er juillet 2023 répond à l’enjeu de protection des ressources.
La Maison Feuillette (1921) à Montargis illustre la construction en bottes de paille standardisées par les engins agricoles. Elle accueille aujourd’hui le Centre national de la construction paille (CNCP). La Science et la Vie, 1921/photographie restaurée par Topophile
UNE MAÎTRISE D’OUVRAGE ENGAGÉE : UN TRAVAIL EN COURS, PORTÉ PAR I3F
En 2022, Immobilière 3F (I3F), la Société du Grand Paris (SGP) et Grand Paris Aménagement (GPA) se rassemblent autour d’une problématique commune : le hors-site peut-il apporter des solutions aux enjeux contemporains de décarbonation, de chantier, de filières ? En parallèle, de plus en plus d’industriels souhaitent une visibilité de la demande, afin de parfaire ou de développer de nouvelles offres. Cela aboutit à la création d’un groupe de travail, quelques mois après les échanges entre I3F, la SGP et GPA, qui regroupera un ensemble d’acteurs structurant très élargi mais cantonné dans un premier temps à l’Île-de-France : Adoma et Grand Paris Habitat (CDC Habitat), le conseil régional de l’Ordre des architectes d’Île-de-France, l’Établissement public d’aménagement de Marne-la-Vallée, l’Établissement public foncier d’Île-de-France, GPA, Groupe ADP, 3F (Groupe Action Logement), la RATP, SNCF Immobilier et la SGP.
Ce groupe de travail élabore une charte pour le développement de la construction hors-site, signée le 18 octobre 2023, qui propose un référentiel commun et fixe des objectifs pour 2031 :
- produire des opérations dont la qualité architecturale et d’usage est au cœur des ambitions ;
- réduire l’impact carbone des constructions ;
- faciliter la mixité des matériaux et la frugalité des solutions constructives ;
- améliorer les conditions de travail de la main-d’œuvre sur les chantiers, tout en diminuant les nuisances pour les riverains ;
- participer à l’émergence d’une filière d’excellence française ;
- viser au moins 50 % de leurs programmes immobiliers de construction neuve en maîtrise d’ouvrage ayant recours au hors-site.
En parallèle, l’association Filière hors-site France est alors créée dans le cadre de la collaboration par I3F, la SGP et GPA afin d’ouvrir le champ aux autres acteurs publics et privés (hors maîtrise d’ouvrage), maîtres d’œuvre, promoteurs, industriels, bureaux de contrôle, etc. Cette réflexion s’articule avec une proposition faite à l’État afin d’identifier les besoins pour structurer la filière.
Dans son engagement pour la filière hors-site, le groupe 3F expérimente un processus de projet innovant : la loi MOP* « inversée ». Le groupement entreprise-industriel est sélectionné en amont du concours de maîtrise d’œuvre. Celle-ci devra décliner les solutions techniques, proposées par le groupement entreprise-industriel dans un cahier des charges dédié. Les deux groupements sont reliés directement à la maîtrise d’ouvrage par son contrat (contrat tripartite). L’un des objectifs est de garantir l’indépendance de la maîtrise d’œuvre et de « challenger » chacun des acteurs sur les aspects techniques et financiers tout au long du projet.
* La loi MOP traite des relations entre la maîtrise d’ouvrage publique et la maîtrise d’oeuvre privée dans le cadre des marchés publics. La loi MOP a été abrogée avec la loi ÉLAN du 23 novembre 2018, mais les dispositions relatives à la loi MOP ont été réparties entre les parties législatives et réglementaires du Code de la commande publique. Cela a permis, notamment, de déployer massivement l’utilisation de la conception-réalisation dans les marchés.
Dès l’esquisse, il y a une réflexion poussée sur le mode constructif et ses incidences. C’est très intéressant, car cela anticipe les questions et permet une meilleure intégration en amont. Pierre Etchegoyhen, chef de projet Architecture et développement durable à I3F
Dix maisons en bande à La Rochette (77)
Maîtrise d’ouvrage : I3F. Maîtrise d’œuvre : Atelier Initial, Mecobat. Surface : 895 m² SHAB*. Coût : 2 M€ HT hors démolition. Calendrier : chantier en cours. Cette construction neuve sur un ancien site du Medef à La Rochette tente de répondre au « ZAN ». Le projet développe un plan-masse compact (maisons accolées) mais qualitatif (jardins individuels, surfaces agréables, toitures en pente…). Construit en bois, le projet a recours à des panneaux préfabriqués en béton de chanvre (2D) réalisés hors-site. Le maître d’ouvrage a développé une démarche locale, l’usine de fournisseurs (Wall’up préfa) se situant dans le même département (Seine-et-Marne).
* Surface habitable
Atelier Initial/Lotoarchilab
Quinze logements sociaux rue Ferragus à Aubervilliers (93)
Maîtrise d’ouvrage : I3F, Bati Plaine. Maîtrise d’oeuvre : Pietri Architectes. Surface : 970 m². Coût : 2,1 M€ HT. Calendrier : livraison en 2021. Il s’agit de la réhabilitation de cinq logements, de la surélévation sur un bâtiment existant et de la création de dix logements en extension, en zone dense. Le bois, sous forme d’éléments préfabriqués, a été mis en œuvre pour la partie en extension et la transformation de la partie existante avec surélévation (structure bois en CLT*, dont la cage d’ascenseur). Une passerelle extérieure relie les deux entités. Tous les éléments structurels ont donc été livrés préfabriqués et mis en œuvre très rapidement. La préfabrication a été essentielle pour la bonne réalisation de l’opération, dans cette zone fortement urbanisée. L’enjeu a été de construire très rapidement. En effet, le maître d’ouvrage a dû réfléchir, avec la maîtrise d’œuvre, aux moyens de limiter l’impact du chantier, après le refus de l’implantation d’une base vie sur la rue.
* Cross Laminated T imber (bois lamellé croisé)
Pietri Architectes. Photographie : Hugo Hebrard
Retour d’expérience d’Anne Carcelen, architecte
L’internat du lycée Uruguay-France à Avon (77)
Maîtrise d’ouvrage : Région Île-de-France. Maîtrise d’ouvrage déléguée : Île-de-France Construction durable. Maîtrise d’œuvre : François Leclercq mandataire et Anne Carcelen. Superficie : 13 000 m2 SDP*. Coût : 28,7 M€ HT. Bureaux d’études : AIA ingénierie (structure, dont structure bois), Oteis (fluide et environnement). Entreprises : Ossabois, Verdoïa, Cégélec, S3M. Calendrier : livraison en septembre 2022.
* Surface de plancher
L’internat a pu être livré à temps pour la rentrée scolaire 2022, avec un chantier de 14 mois grâce, notamment, à la mobilisation de la maîtrise d’œuvre pour valider les études d’exécution ainsi que le choix des produits et des matériaux. L’entreprise a démarré sa chaîne de production cinq mois avant la pose à la grue mobile. Sur les 206 modules, dix sont différents. La conception en 3D, dès les études, conjuguée avec le savoir-faire industriel des entreprises, ainsi que la commande numérique ont ouvert toutes les possibilités combinatoires d’un module 2D ou 3D, dont le surcoût d’un module à l’autre reste marginal.
Shimura Takuji
Agence François Leclercq
Agence Anne Carcelen
Agence Anne Carcelen
Nicolas Melemnis
La vraie plus-value du hors-site reste l’ossature bois (le MOB ou le FOB) comme squelette des modules 2D ou 3D, son remplissage pouvant varier à l’infini. Sa rapidité d’usinage, sa légèreté, sa ressource courante et locale, sa sobriété carbone et surtout sa capacité de variations par paramétrage sur la chaîne de production en font un matériau de choix abordable et adaptable.
Si la préfabrication inquiète encore au point de l’appeler aujourd’hui “hors-site”, ce n’est pas l’outil qui est à déplorer mais la standardisation d’un modèle d’après-guerre induit par un mode opératoire : le béton coulé dans un moule unique. L’atout majeur du hors-site bois est tout l’inverse, avec une grande capacité d’adaptation à un contexte existant, ce qui ouvre de belles perspectives tant dans le neuf que dans la restructuration pour répondre à l’enjeu de rénovation thermique de l’ensemble de notre patrimoine. Sur le terrain, nous peinons à maîtriser des chantiers en site occupé, le coût et la durée étant les principaux freins des maîtrises d’ouvrage. Notre agence n’avait pas un seul chantier de restructuration de moins de trois ans. Avec le hors-site, nous sortons des opérations de rénovation thermique en quelques mois, des restructurations avec des interventions chirurgicales au plus près des existants, posées à la grue mobile, en site occupé, en surélévation, en adjonction ou surimpression, réduisant notablement les temps de chantier, mais aussi les incertitudes liées à un existant très variable, avec une architecture avant tout créative. Anne Carcelen, architecte (Agence Anne Carcelen)
Réhabilitation et transformation du village de la Faisanderie à Fontainebleau (77)
Date de la construction initiale : 1952. Architectes : Marcel Lods et Maurice Cammas. Maîtrise d’ouvrage : Foyers de Seine-et-Marne (FSM). Maîtrise d’œuvre : Eliet&Lehmann architectes (conception), Patrice Lutier A0003 architectes (réalisation), E&L Ingénierie (bureau d’études), Tohier (économiste), Éco-Synthèse (HQE*), C&E Ingénierie (structure), ACV (acoustique), Agence On (lumière). Surface : 29 582 m² SHON**. Coût : 36,5 M€ HT (hors chaufferie bois). Calendrier : livraison 2015.
* Haute qualité environnementale
** Surface hors œuvre nette
Le village de la Faisanderie illustre la réhabilitation de bâtiments construits selon le procédé Camus. Composé de quatre barres de logements sur pilotis (130 m de long, sept étages), implantées sur une parcelle boisée de 6 ha, il s’agit initialement de logements pour les familles des officiers de l’Otan. Le bâtiment a été réalisé avec des panneaux préfabriqués (sauf les fondations et les poteaux) dans une usine éphémère, installée à la gare de Melun, puis assemblés sur site. Il se compose de panneaux de façades préfabriqués (en béton de pouzzolane avec incrustation de silex) et de planchers (deux demi-coques) intégrant les réseaux. Le procédé Camus a permis une réalisation très rapide (neuf mois, de la commande à la livraison), tout en assurant une économie de matière. En 2010, le bailleur social FSM acquiert les quatre immeubles, et pilote et finance le projet de réhabilitation, démontrant la capacité d’évolution de cet exemple remarquable de l’industrialisation des procédés constructifs. Le projet de réhabilitation et de transformation, conçu par Eliet & Lehmann architectes et livré en 2015, visait le maintien de l’identité du bâti (matérialité et écriture des façades), tout en assurant une performance énergétique, à travers le choix d’une isolation par l’intérieur. Le programme a été augmenté afin d’apporter de la mixité : logements sociaux et en accession, résidence étudiante, foyer d’accueil social, bureaux et commerces en rez-de-chaussée.
Pierre-Yves Brunaud
Une crèche itinérante installée dans le jardin du Luxembourg à Paris (75)
Maîtrise d’ouvrage : Ville de Paris, département de la famille et de la petite enfance. Maîtrise d’œuvre : Djuric Tardio architectes, Bollinger+Grohmann, VPEAS, AI Environnement. Surface : 525 m². Coût : 1,8 M€. Calendrier : livraison en 2019. Une crèche transitoire a été installée dans le jardin du Luxembourg le temps d’un chantier de rénovation. Ce bâtiment modulaire et itinérant a été conçu en acier pour la structure principale (en portiques, inspirés de Jean Prouvé) et en bois français (épicéa) pour l’ossature, complétée par des modules de façades et planchers en CLT. Interchangeables, ces modules permettent une flexibilité d’usage. L’enveloppe a été préfabriquée. Le bâtiment est entièrement démontable.
Djuric Tardio Architectes. @ClementGuillaume photographe
Un centre d’hébergement d’urgence à Ivry-sur-Seine (94)
Maîtrise d’ouvrage : Emmaüs Solidarités. Maîtrise d’œuvre : atelier RITA et Valentine Guichardaz-Versini. Entreprises : Ossabois (modules bois), Brezillon (entreprise générale). Surface : 21 000 m² SDP. Coût : 9,2 M€ HT. Calendrier : livraison en 2017. Conçu pour être entièrement démonté et réutilisé, le centre d’hébergement a été construit sur un site mis à disposition par la Ville de Paris et la commune d’Ivry-sur-Seine de manière temporaire. D’une capacité de 400 personnes, il accueille des femmes isolées, des couples et des mineurs, pour une durée de trois mois environ. La flexibilité du projet repose sur la composition de l’ensemble et de ces bâtiments : des yourtes et des modules préfabriqués en bois (de 14 à 45 m²), adaptables et modifiables. Le module bois a été choisi pour sa rapidité de fabrication, et pour sa facilité à être installé et raccordé. Les choix constructifs répondent aussi aux contraintes du site : d’anciens bassins de l’usine de traitement des eaux de la Seine, en zone inondable. Un radier et des piliers ont été installés pour prévenir le risque d’inondation.
Atelier Rita Architectes. Photographie : David Boureau
La transformation de la tour de logements Bois-Le Prêtre à Paris (75)
Date de construction initiale : 1959. Architecte : Raymond Lopez. Maîtrise d’ouvrage initiale : Emmaüs Solidarités. Maîtrise d’ouvrage : Paris Habitat (OPAC). Maîtrise d’œuvre : Frédéric Druot et Lacaton & Vassal, Inex (bureau d’études-BET fluides), VP Green (BET structure), E2I (économiste), Gui Jourdan (BET acoustique), Vulcanéo (BET sécurité incendie et accessibilité). Entreprise générale : Brézillon. Surface : 8 900 m² (existant) + 3 560 m² (extension). Coût : 11,25 M€ HT. Calendrier : livraison en 2011. Construite initialement avec des éléments préfabriqués, assemblés sur site sur une trame standardisée en béton (poteaux et voile béton), la tour de 16 étages a été transformée, avec une extension permettant la création de nouvelles typologies d’habitat et la rénovation thermique du bâtiment. Les façades existantes ont été remplacées par des modules préfabriqués de trois mètres de profondeur. L’opération de rénovation s’est déroulée en milieu occupé dans le cadre du projet de renouvellement urbain de la porte Pouchet (Paris 17e) et Anru 1, projet porté par la Ville de Paris.
Druot, Lacaton & Vassal architectes. Photographie : Frédéric Druot
Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Habitat et logement |
Aménagement et construction durables