Vulnérabilités de l'Île-de-France aux effets du changement climatique
Pour les besoins de l’élaboration du Plan « Protection, Anticipation et Adaptation de la région Île-de-France au changement climatique », adopté en septembre 2022, L’Institut Paris Region a réalisé une étude des vulnérabilités franciliennes aux effets du changement climatique.
Cette étude a été menée au moment de la publication du sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ces experts nous confirment l’importance de mener de front une stratégie d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Au regard des événements climatiques extrêmes survenus ces dernières années (vagues de chaleur, sécheresses, inondations), une place est désormais faite pour l’adaptation aux effets du changement climatique aux côtés de l’atténuation et du défi Zéro Emissions Nettes.
Comme le reste du monde, le territoire francilien est également exposé à ces impacts climatiques. Ce diagnostic présente les vulnérabilités et enjeux associés à l’échelle de l’une des régions métropolitaines les plus densément peuplées et urbanisées d’Europe, région caractérisée aussi par l’importance de ses espaces agricoles, forestiers et naturels.
Les grandes lignes directrices de l’étude
L’adaptation au changement climatique se définit comme « une démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu ainsi qu’à ses conséquences » (GIEC). Elle renvoie à la nécessité de poser le diagnostic, de déterminer les enjeux et d'organiser les réponses associées et ce à différentes échelles de temps.
Cette étude vise à étudier les aléas climatiques actuels et projetés décrits dans la littérature scientifique et observés dans les territoires. Elle donne des éléments clés de compréhension de leurs effets selon trois familles d’enjeux : la santé des franciliens, la biodiversité et les ressources naturelles, les activités économiques.
Des effets du changement climatique déjà visibles
Deux aspects sont à considérer pour le traitement des enjeux, celui de l’évolution tendancielle des aléas climatiques et celui de la survenance de chocs ou extrêmes climatiques.
L’évolution tendancielle du climat francilien (élévation des températures moyennes, régime de précipitations…) est moins directement perceptible que les chocs car elle procède par effets cumulatifs ; elle n’en est pas moins dommageable pour les écosystèmes, l’assèchement progressifs des sols… L’Île-de-France est concernée par toutes ces évolutions. Une augmentation de la température moyenne de 2°C a en effet déjà été observée depuis 1950 et devrait se poursuivre quelles que soient les projections. Par ailleurs, la diminution du nombre de jour de gel va également se poursuivre.
De plus, la région est particulièrement exposée aux extrêmes climatiques : des vagues de chaleur et des sécheresses plus longues et plus intenses, des précipitations extrêmes en durée ou en intensité… En outre, leur survenance génère d’autres phénomènes (ou aléas induits) : les vagues de chaleur dégradent la qualité de l’air, les pluies extrêmes participent à la survenance des inondations… La sécheresse apparaît comme un super-aléa commandant toute une série de « variables indirectes » : incendies, retrait-gonflement des argiles, impacts sur la ressource en eau…
Enfin, si ces aléas climatiques surviennent de façon indépendante, ils peuvent aussi être concomitants, augmentant potentiellement certains risques (ex. : période de sécheresse concomitante avec une vague de chaleur qui accroit le risque d’incendies de forêt).
En croisant ces composantes avec les caractéristiques de la région francilienne, se dessinent trois grandes entrées pour expliciter les enjeux franciliens – « ce à quoi l’on tient » - face au changement climatique.
Les franciliens et leur cadre de vie
La majorité des Franciliens vivent en milieu urbain dense avec un déficit d’espaces de fraicheur de proximité, ils sont particulièrement surexposés aux effets d’îlots de chaleur urbain pouvant entrainer des problématiques de santé pour toute la population et une surmortalité pour les populations fragiles. Cette problématique, en lien avec l’inconfort thermique dans les bâtiments et les espaces publics, vient aggraver la vulnérabilité liée à d’autres préoccupations de santé publique aussi influencées par le changement climatique comme les maladies infectieuses et les allergies respiratoires. L’augmentation des épisodes extrêmes impacte le cadre de vie des franciliens en lien avec le retrait-gonflement des argiles, les inondations, les tempêtes et incendies causant d’importants dommages au bâti et infrastructures. L’imperméabilisation des sols, les pratiques agricoles (ruissellements) peuvent constituer des facteurs aggravants.
Une biodiversité et des écosystèmes menacés
Le changement climatique influence la biodiversité et les écosystèmes de deux manières : en modifiant les aires de répartition et le cycle de vie des espèces, et en impactant les services dits “écosystémiques”. Ces derniers représentent les bénéfices offerts aux sociétés humaines par les écosystèmes et se distinguent en quatre catégories de services : les services d’approvisionnement (ex. : nourriture, combustibles, matériaux), les services de régulation (ex. : pollinisation, climat), les services de soutien (grands cycles biogéochimiques de l'eau, du carbone) et les services culturels (aspects esthétiques, récréatifs). Des écosystèmes en bonne santé assurent ces fonctions et participent à la résilience de l’Île-de-France. Or, le changement climatique accentue les pressions anthropiques (urbanisation, mitage, agriculture intensive…) déjà observées et participe à l’érosion de la biodiversité. Pour exemple, l’eau, habitat et ressource pour tous les êtres vivants et leurs milieux est autant menacée par les sécheresses qu'une solution d'adaptation pour faire face aux excès du réchauffement.
Les activités économiques et les grands services urbains et ruraux
Dans le domaine économique, les impacts climatiques s’exprimeront à la fois sur la santé des travailleurs (stress thermique), sur les modes et pratiques associées aux métiers (travail de nuit pour éviter les fortes chaleurs) et sur le cadre dans lequel s’opère cette activité économique (confort thermique dans les structures touristiques, tensions sur les sites de loisirs aquatiques). Cela concernera notamment les secteurs du tourisme et de la construction très représentés en Île-de-France. Par ailleurs, les réseaux d’énergie, de transport, d’eau potable et d’assainissement seront fortement impactés. Les chaleurs et les sécheresses mais aussi les inondations peuvent fragiliser l’alimentation en électricité et le fonctionnement des infrastructures entrainant des répercussions conséquentes sur le quotidien des franciliens et des activités économiques. Les tensions autour de la ressource en eau, s’étant déjà manifestées cet été, seront une des problématiques majeures des prochaines années. Elle concerne notamment l’agriculture francilienne, secteur susceptible de s'appuyer sur une irrigation croissante pour faire face aux sécheresses.
Le besoin de stratégies d’adaptation
La lecture de ces enjeux souligne la nécessité d’étudier et de prendre en compte au plus vite les nombreuses vulnérabilités du territoire francilien par les différents acteurs territoriaux.
Repenser nos villes, nos campagnes, nos modes de vie s’avère indispensable, comme le développement d’un aménagement plus respectueux du cadre de vie et de la santé des franciliens, des écosystèmes et des ressources. Ainsi, la désimperméabilisation des sols et leur renaturation, la présence d’eau et son usage rationnel, le choix des matériaux sont autant de pistes pour offrir des îlots de fraîcheur dans l’espace public ou pour limiter les risques de ruissellement... La réorganisation des modes de travail et des services urbains doit aussi être intégrée pour maintenir les activités économiques et la vie sociale.
Les options d’adaptation sont multiples et peuvent d’ores et déjà être déployées massivement à condition d’être bien dimensionnées selon les particularités locales du territoire. La consolidation des connaissances scientifiques et empiriques est essentielle à ce stade. Des solutions multifonctionnelles répondant à plusieurs problématiques comme les solutions fondées sur la Nature (captage du carbone et des particules fines, rafraichissement, gestion des eaux pluviales...) sont à privilégier. Elles doivent être encouragées dans les stratégies d’adaptation comme dans les exercices de planification ; elles éviteront les écueils de la « maladaptation ». ■
Pour aller plus loin
Villes résilientes, réconcilier urbanisme et nature - Revue Urbanisme
Climat : la nature source de solutions, actions exemplaires de collectivités françaises (2019)
Face aux inondations, les solutions fondées sur la nature (2016)
Nature en ville et changements climatiques (2015)
Climat et biodiversité : les solutions fondées sur la nature (2015)
Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Environnement urbain et rural |
Changement climatique |
Développement durable |
Adaptation au changement climatique |
Aménagement et planification