Accélérer le déploiement du photovoltaïque sur les territoires d’Île-de-France
Retour sur la conférence AREC du 7 février 2020
Les récentes évolutions réglementaires et le gisement solaire potentiel en Île-de-France sont des facteurs favorables au développement de la filière photovoltaïque. Dans ce contexte, les collectivités sont encouragées à explorer leurs potentiels. Différentes opportunités sont à envisager (champs solaires, exploitations ou rénovations de toitures de bâtiments publics, installations citoyennes…) et les projets franciliens, de plus en plus nombreux, offrent des enseignements utiles pour les futurs porteurs de projets.
Cette conférence de l’AREC a donc été l’occasion de revenir sur les enjeux et perspectives de développement du photovoltaïque en Île-de-France, de présenter quelques retours d’expériences ainsi que les dispositifs de soutien mis en place par la Région Île-de-France à destination des collectivités.
DÉVELOPPER LA FILIÈRE PHOTOVOLTAÏQUE EN ÎLE-DE-FRANCE
La Région a de fortes ambitions sur le solaire et souhaite un déploiement de la filière. La stratégie régionale énergie-climat adoptée en 2018 affiche le développement des énergies renouvelables comme une priorité avec un objectif de 40 % d’énergies renouvelables dans la consommation d‘énergie francilienne d’ici 2030. Le plan solaire de novembre 2019 ambitionne d’atteindre une puissance installée de 250 MW de solaire photovoltaïque fin 2021 en Ile-de-France. Pour atteindre ces ambitions la Région a investi, depuis 2016, 70 millions d’euros dans les énergies renouvelables, dont 5 millions d’euros pour le solaire avec 900 000 euros dédiés aux projets citoyens. En 2020, la Région a voté un budget de 46 millions sur les énergies renouvelables. La Région avec ses appels à projets soutient les porteurs de projet en leur apportant un financement à hauteur de 50% une condition parfois sine qua none pour rendre un projet viable. L’idée est d’accompagner le déploiement de la filière, pour que les projets trouvent progressivement leur rentabilité. L’appel à manifestation d’intérêt (AMI) « Mobilisation des collectivités pour le développement de l’énergie solaire en Île-de-France » a pour objectif d’accompagner les collectivités de la manière la plus efficace possible et de faciliter l’entrée des projets dans les circuits d’aide de la Région (cf. dossier en ligne sur le site de l’AREC pour plus d’information sur l’AMI de la Région).
QUELS MODÈLES ÉCONOMIQUES ET SOLUTIONS TECHNIQUES ?
Enerplan, syndicat des professionnels de l’énergie solaire est revenu sur la compétitivité croissante de la filière photovoltaïque. Suivant le principe économique de la loi de Moore (l’augmentation de la capacité des chaines de production entraine une baisse des coûts), on note une diminution par 9 des prix du solaire en 10 ans : on peut situer les prix autour de 3 €/Watt installés, soit environ 1 000 €/m². Ces prix évoluent aussi avec les effets d’échelle. La fiscalité opère également une diminution progressive (passage de 6 à 3€/MWh). Les coûts de production devraient continuer à baisser avec l’amélioration des rendements annoncée par les recherches en laboratoire (environ 20% en 2020 – objectif 30% en 2030). Le photovoltaïque devient progressivement rentable ou du moins devrait permettre des modèles à l’équilibre.
Enerplan est également revenu sur les objectifs nationaux en terme de développement du photovoltaïque. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe un objectif à 2023 de 20 GW, ce qui implique le passage à un marché qui aujourd’hui se situe à moins de 1 GW/an à un marché de 3 GW/an. Il existe donc une dynamique à alimenter. Si la filière fait face à des contraintes de foncier, elle peut cependant s’appuyer sur des leviers financiers au travers notamment des appels d’offre de la CRE ou des PPA (Power Purchase Agreement) pour les entreprises, ainsi qu’un soutien clairement exprimé des politiques publiques. A l’avenir la filière devrait pouvoir bénéficier de l’augmentation des guichets pour les tarifs règlementés à plus de 100 kWc pour pouvoir fluidifier les délais dus aux appels d’offres. L’évolution des systèmes de stockage devrait également soutenir les modèles économiques : pilotage de la demande, stockage thermique (ex : eau chaude), optimisation par le cloud (ex : service proposé par les fournisseurs d’énergie, véhicules électriques…
Près de 90% des demandes de raccordement d’installations photovoltaïques concernent l’autoconsommation. Ce modèle économique connait aujourd’hui un certain succès, mais fait aussi face à des limites associées au dimensionnement des panneaux. Les installations sont dimensionnées pour couvrir un besoin énergétique et non du foncier disponible. Ainsi un porteur de projet ne cherchera pas systématiquement maximiser sa capacité de production.
L’intervention d’Enerplan a souligné en particulier l’importance des perspectives de synergie entre la production d’électricité verte et la mobilité électrique. Le photovoltaïque pourrait constituer une solution éventuelle face à l’augmentation du nombre de véhicules électriques pour éviter de stresser le réseau et limiter la puissance souscrite surtout pour les bâtiments collectifs (avec le droit à la prise). Comme évoqué précédemment le prix du photovoltaïque se situe à moins de 1 000 €/kW et 1 kW de panneaux permettrait 5 000 -10 000 km d’autonomie par an. La technologie du V2G (Vehicle-to-grid) permettrait de passer la pointe du soir en termes d’appel de puissance.
Pour en savoir plus Enerplan vous invite à consulter la publication « Convergences entre photovoltaïque et mobilité électrique » À noter qu’une prochaine publication est à paraître sur le sujet de la convergence photovoltaïque et entreprises.
QUEL POTENTIEL SOLAIRE EN ÎLE-DE-FRANCE ?
Cette conférence a été l'occasion de présenter les résultats d'un travail transversal qui a associé la Région, et L’Institut Paris Region (l'AREC, le département environnement et le service informatique) pour pré-évaluer le potentiel du gisement solaire sur bâti en Île-de-France. Ce travail a abouti à une première production diffusée sous la forme d'un cadastre solaire « Mon potentiel solaire ». Cet outil met à disposition les résultats du calcul de l'ensoleillement reçu par chaque bâtiment sur le territoire, soit 2,5 millions de bâtiments en Île-de-France. Ce calcul tient compte des caractéristiques des toitures (encombrement, forme, inclinaison, masques...). Cette donnée d’irradiation moyenne reçue est croisée avec la surface utile de la toiture (la portion de toiture présentant un intérêt pour des installations solaires). À partir d'hypothèses sur les rendements des systèmes et des panneaux, un calcul estimatif est réalisé pour obtenir un potentiel de production annuelle.
Le cadastre solaire de la Région est le premier outil d’exploitation visible de ce travail avec un drapage 3D des bâtiments ainsi que des services associés en termes d’aides et de liens vers les professionnels ; ces services vont s’enrichir encore puisque l’outil est destiné à évoluer au fils du temps (cf. flyer disponible dans les documents à télécharger). Un second outil a été développé par l’Institut à destination des acteurs publics, qui permet de voir la synthèse par EPCI et par commune. Cet outil donne à voir les potentiels d’une commune en termes de gisement global par rapport à son EPCI et par typologie de bâti.
Les résultats d’une première étude du potentiel solaire en Île-de-France sont disponibles dans les supports de la conférence. Il souligne un enjeu particulier sur les bâtiments de logements individuels mais aussi un potentiel intéressant sur les bâtiments d’activités économiques et le patrimoine public.
L’estimation des productions potentielles donne la répartition suivante :
- Habitat individuel : 34 %
- Bureaux, commerces : 26 %
- Habitat collectif : 18 %
- Autres typologies de bâti : 21 %
La prochaine étape de ce travail sur les gisements solaires se concentrera sur l’identification des sols exploitables. Avec une première étude sur les potentiels des parkings en Île-de-France puis dans un second temps sur les gisements associés aux délaissés en considérant de manière collective les enjeux multi-usages des sols et les prescriptions des documents d’aménagement comme le SDRIF (Schéma directeur de la région Île-de-France).
UN POTENTIEL SOLAIRE À EXPLOITER, COMMENT MOBILISER LES PROFESSIONNELS DE LA RÉGION ?
L'installateur est un acteur important à mobiliser. Les professionnels du photovoltaïque sont des entreprises soient spécialisées (cas peu courant) soit des entreprises du bâtiment qui font évoluer leurs champs d'activités. L'accélération du développement des filières locales d'installations photovoltaïques dépend de la capacité à accompagner les entreprises qui le souhaitent à développer de nouvelles qualifications pour aller plus loin que leurs métiers traditionnels (ex : couverture d'étanchéité). La responsabilité du fonctionnement de l'installation sur la durée de vie attendue repose sur l'installateur.
On attend de plus en plus des entreprises au niveau des services qu'elles proposent. Elles doivent porter la responsabilité à l'achèvement du projet, sur le bon fonctionnement de l'installation, l'ensemble du bâti, la bonne tenue de l'étanchéité... Les clients attendent également d'autres compétences, non plus techniques mais administratives concernant les démarches à entreprendre à chaque étape. L'entreprise peut également être mandatée par son client pour qu'elle s'engage sur l'entretien et la maintenance ; ainsi l'entreprise peut être amenée à prévoir, en plus des engagements décennaux, la signature d'un contrat d'entretien-maintenance soit avec lui soit avec une entreprise spécialisée.
La Fédération entreprend des actions pour lutter contre les préjugés et pour la fiabilisation de la filière professionnelle du photovoltaïque à différente échelles (régionale, départementale et communale). L'objectif de ces actions est de travailler sur 3 axes :
- Laisser la parole aux acteurs professionnels locaux et tisser un lien avec les structures publiques ;
- Établir une bonne synergie entre les installateurs locaux pour une compétitivité saine ;
- Mettre en place des formations afin de pouvoir mettre en avant les compétences et les entreprises et répondre aux besoins en termes de recrutement.
La Fédération souhaite faire se rencontrer l'offre et la demande. Elle travaille avec les structures relais intervenant auprès des citoyens. Elle accompagne les entreprises à la fois sur les questionnements liés à leur activité quotidienne et sur celles liées à la dynamique économique et environnementale du territoire. Ainsi, la Fédération est présente sur le volet technique de par un travail sur les règles de mise en œuvre et l'aspect formation, et son travail sur les référentiels de qualification. L'intégralité du travail mené consiste à créer du lien entre les acteurs de la filière et les professionnels.
Les installateurs dépendent du marché. Si la conjecture actuelle est encourageante, ils alertent néanmoins sur le marché difficile en Ile-de-France du point de vue de la charge en toiture. Les bâtiments franciliens n’ont pas été dimensionnés pour du PV en toiture, il faut donc considérer parfois des coûts associés au renforcement de la charpente.
LES RETOURS D’EXPÉRIENCES
Centrale de Meaux - installation au sol du Parc du Pâtis, inaugurée en octobre 2019.
Les premiers panneaux ont été posés le jeudi 28 mars venant récompenser un projet de 10 ans.
Caractéristiques :
- 10 hectares de panneaux photovoltaïques
- 17MWc de capacité totale
- 18,6 GWh production annuelle moyenne
- Partenaire de privé sur ce projet : LANGA, filiale d’ENGIE
L’installation est implantée sur un terrain d’une emprise de 26 hectares en déshérence qui accueillent 12 hectares de panneaux, dont la ville de Meaux est propriétaire. Le projet a commencé en 2009 et est issu d’une discussion avec les élus sur le mix énergétique local. La ville n’arrivait pas à maitriser ce terrain qui faisait office de décharge sauvage. Ce projet permet de valoriser ce terrain très dégradé, compte tenu aussi de son passé industriel (ancienne gravière) et a permis de retirer 500 tonnes de déchets. L’agglomération a accompagné le projet dans la réponse à l’appel d’offre de la CRE, notamment, en fournissant l’historique du site, en soutenant les mesures compensatoires associées au paysage et à la biodiversité, par exemple des mesures liées à l’habitat des crapauds calamites ou encore le recours au financement participatif. La candidature à l’appel d’offre de la CRE a été retenue en juillet 2017.
Ouverture d’une partie du financement à de l’investissement participatif :
- 141 investisseurs principalement issus de la région Ile-de-France (majoritairement du Val-de-Marne, de l’Essonne et de la Seine-et-Marne)
- 400 000 € d’investissement citoyen sur les 11 millions d’euros du projet
Projet de ruches et d’éco-pâturage à venir sur ce site et un travail sur les gisements solaires sur les parkings.
Installation de la Ville des Lilas – Installation sur le toit de l’école Waldeck Rousseau, inaugurée en septembre 2019.
Caractéristiques :
- 180 m² de panneaux photovoltaïque (117 panneaux)
- 35,5 kWc de capacité totale
- Toiture orientée plein sud
- Partenaire privé sur ce projet : coopérative citoyenne Electrons solaires
Un bail de trente ans a été passé entre Electrons solaires et la ville des Lilas qui en a profité pour coupler la rénovation de la toiture de l'école Waldeck-Rousseau aux travaux de pose des panneaux photovoltaïques. Moyennant une redevance d’occupation d’environ 100 €/an. La collectivité a attendu que la coopérative citoyenne Electrons solaires soit montée (délais de 2 ans pour le projet). Le groupement s’est constitué en société coopérative d'intérêt collectif (Scic), avec 25 parts investies par la commune des Lilas (une part représente un montant de 100€ et chaque investisseur représente une voix indépendamment de ses parts).
Financement :
- 20 % financé par la coopérative
- 50 % financés par la Région Ile-de-France
- 90 000 € nécessaires a été financé par de l'emprunt bancaire.
Ce projet constitue donc la première réalisation de la coopérative Électrons solaires qui compte une centaine de membres. Le projet a été soutenu par la collectivité d’Est-Ensemble également. Ce projet se divise en deux œuvres d’une part la rénovation et de l’autre l’installation, il a donc fallu établir des conventions et coopérer sur le planning du chantier.
Syndicat d’énergie, le SIPPEREC et la ville de Nanterre
Le SIPPEREC, syndicat d’énergie, a développé en 2006 une compétence dans le développement des énergies renouvelables. Partant du de deux problématiques pour les collectivités adhérentes, l’une orientée autour des réseaux de chaleur et l’autre autour du photovoltaïque du fait du nombre important de toitures au sein de ces collectivités. La première réalisation a été effectuée en 2008 en maîtrise d'ouvrage SIPPEREC ; depuis 80 collectivités sont adhérentes à la compétence développement des énergies renouvelables (communes, communautés d'agglomérations, conseils départementaux et la Région Île-de-France). Le SIPPEREC exploite des installations sur des écoles, des gymnases, des médiathèques, des collèges et des lycées.
Le SIPPEREC est revenu sur l’accompagnement qu’il a déployé avec la ville de Nanterre. L’une des premières villes avec laquelle il a eu l’occasion de travailler. Cette collaboration a commencé avec la rénovation de la toiture de l’école Paul Langevin et celles d’autres toitures de gymnases. La ville s’est engagée dans le domaine du photovoltaïque et depuis elle se pose la question de la pertinence d’une installation photovoltaïque à chaque projet de travaux, en rénovation ou en construction neuve. Elle recherche l’équilibre économique malgré le contexte difficile et s’appuie sur le SIPPEREC pour aller au bout de la démarche.