Comprendre la sobriété énergétique

15 octobre 2019ContactMarie-Laure Falque-Masset

La sobriété énergétique est l’un des trois piliers de la transition énergétique.
C’est l’association négaWatt, s’inspirant des travaux d’Amory Lovins, fondateur du Rocky Mountain Institute, qui propose le fameux tryptique ci-dessous.
Partant du principe que l’énergie la moins polluante est celle qu’on ne consomme/produit pas, négaWatt propose de repenser notre vision de l’énergie en s’appuyant sur une démarche en trois étapes.

Une définition de la sobriété énergétique est celle proposée dans le cadre des travaux du projet européen Energy Sufficiency porté par ECEEE (European Council for an Energy Efficient Economy) : 

« Les actions de sobriété énergétique sont des actions qui réduisent la demande en énergie, pour nous mener vers l'état de suffisance énergétique, tout en modifiant la quantité ou la qualité de services énergétiques demandés de manière durable et non en dessous des besoins fondamentaux des personnes. » 

Dans cette optique, la sobriété conduit à : 

  • Réduire la demande d’énergie 
  • Maintenir ou accroitre le niveau et la qualité de services  
  • Modifier les pratiques 

négaWatt distingue ainsi plusieurs leviers de sobriété : 

la sobriété structurelle, qui consiste à créer, dans l’organisation de l’espace ou de nos activités, les conditions d’une modération de notre consommation (par exemple l’aménagement du territoire en vue de réduire les distances à parcourir pour accéder au travail, aux commerces etc.) ; 

la sobriété dimensionnelle, qui concerne le bon dimensionnement des équipements par rapport à leurs conditions d’usage (par exemple l’utilisation de véhicules adaptés, en poids, volume et puissance, aux usages de déplacements de proximité et de déplacements inter-urbains) ; 

la sobriété d’usage, qui porte sur la bonne utilisation des équipements en vue d’en réduire la consommation (par exemple l’extinction des veilles, ou la limite de vitesse sur route, ou encore l’extension de la durée de vie des équipements) ; 

la sobriété conviviale ou coopérative, qui relève d’une logique de mutualisation des équipements et de leur utilisation (par exemple les formules d’autopartage, ou l’encouragement à la cohabitation dans les logements ou les espaces de travail). 

Avec le foisonnement des applications digitales, s’ajoute dorénavant la problématique de la sobriété numérique. La part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre a augmenté de moitié depuis 2013, passant de 2,5 % à 3,7 % du total des émissions mondiales. La consommation d’énergie du numérique est aujourd’hui en hausse de 9 % par an. Il est possible de la ramener à 1,5 % par an en adoptant la « Sobriété numérique » comme principe d’action, selon le rapport « Pour une sobriété numérique » du think tank The Shift Project. 


«  La vraie demande est le service énergétique ».

Dès lors, il s’agit de mettre en œuvre des démarches de sobriété énergétique. Agir sur le comportement suppose d’identifier les besoins et désirs des usagers. En effet, la vraie demande est le service énergétique (Bernard Laponche). Les besoins de l’usager (ménage, entreprise, collectivité locale) ne sont pas directement des produits énergétiques mais des biens et des services indispensables au développement économique et social, au bien-être et à la qualité de vie. L’obtention de ces biens et services nécessite, pour être satisfaite une certaine consommation d’énergie. 

Comment modifier à service et à qualité égaux ces besoins ? 

Cela passe par plusieurs étapes, nécessitant une mobilisation continue : 

  • Favoriser la prise de conscience des individus sur leurs besoins de service énergétique ; 

  • Développer l’apprentissage de nouveaux modes de faire et d’usages par des actions de sensibilisation ou de formation ; 

  • Encourager cette sobriété par un environnement facilitant (des infrastructures, des équipements, des outils) afin de la rendre pérenne. 

Il ne faut pas oublier, cependant, que la démarche doit prendre en compte un ensemble de facteurs tels que la sociologie des individus, l’héritage culturel, la situation géographique, etc. 


C’est le passage de l’individuel au collectif qui peine à trouver ses outils.

La sobriété énergétique doit se développer tant au niveau individuel qu’au niveau collectif et c’est ce passage de l’individuel au collectif qui peine à trouver ses outils. Il suppose l’intervention publique mais pour les sociologues comme Marie-Christine Zélem ou Bruno Maresca, l'action publique n’est pas en mesure de transformer les modes de vie, car « le mode de vie résulte d'un système productif, voire productiviste. Changer le mode de vie ne résulte pas d'une transformation technologique. Par exemple, le développement numérique n'a pas changé les modes de vie. Il est même un facteur d'augmentation des consommations d'énergie. Alors qu'est-ce qui peut être changé ? Il faudrait libérer l'innovation sociale dans les territoires, se rapprocher des habitants, revenir à des dispositifs de proximité qui permettent de s'approprier la démarche, développer le coaching énergétique, et favoriser les initiatives de collectifs d'habitants désireux de rénover leurs îlots de quartier ».