Des outils pédagogiques sur l'adaptation au changement climatique

  21 mars 2023 |  Hélène Sanchez

Quels outils et quels constats ?

Les effets du changement climatique sont incontestablement visibles partout aujourd’hui y compris en Île-de-France : sécheresses, canicules, inondations, ruissellements, retrait et gonflement des argiles, instabilité des sols… S’approprier l’adaptation n’est pas simple et demande des connaissances et une approche transversale, puisque tout est lié : les personnes, la biodiversité, les bâtiments et infrastructures, l’économie, la mobilité… 

Il existe un certain nombre d’outils de sensibilisation et pédagogiques sur l'adaptation au changement climatique. La plupart présentent le changement climatique et ses impacts à l’échelle mondiale ou/et nationale avec une approche globale associée généralement à des éco gestes. Encore trop peu d’outils abordent la façon d'anticiper et d'atténuer les impacts climatiques, de changer les pratiques et les mesures nécessaires notamment sur le plan local. De nombreuses ressources restent encore généralistes et abordent la question de l’adaptation et le futur de manière succincte, sans donner de solutions concrètes.

Sur le plan pédagogique, les objectifs sont de vulgariser les connaissances scientifiques, de faire comprendre les enjeux, les phénomènes à venir et comment s’adapter le plus possible en adoptant une attitude sobre et en phase avec la nature pour davantage anticiper. La préoccupation majeure est de le faire avec des mots simples, sans provoquer d'anxiété. Certains outils de sensibilisation sont trop alarmistes et bloquent l’envie d’agir car ils neutralisent la vision d’un avenir possible et engendrent des peurs. Trop d’informations négatives conduisent à l’inaction, les publics se trouvant dans l’incapacité de les accepter et se réfugiant dans leur zone de confort : l’inaction, véritable solution de facilité. Pour comprendre ce phénomène, il est important de savoir que « le cerveau naturellement n’entend pas la négation » (source : Professeur Roland JOUVENT psychiatre psychothérapeute - ancien chef de service et ancien dirigeant du Centre émotion du CNRS à l’Hôpital la Salpêtrière à Paris).
D’où la nécessité d’une pédagogie éclairée et ciblée qui induit des messages non anxiogènes, assimilables par tous et qui propose des alternatives, des solutions concrètes adaptées au contexte.
La pédagogie c’est avant tout comprendre, réfléchir, se questionner et trouver des issues pour évoluer. La complexité de l’adaptation réside dans la remise en cause de la société, ses actions et ses activités dans son ensemble, tout en ayant une approche transversale qui montre qu’il est possible d’avancer vers une société résiliente. En résumé, comprendre, apprendre à anticiper permet d’accepter le changement et d’évoluer progressivement.

À quels publics s’adressent ces outils ?

De nombreux outils (livrets et malles pédagogiques, jeux, serious game, BD…), sont conçus pour les scolaires - du primaire au secondaire - et quelques-uns pour les étudiants avec un développement destiné à ces cibles ainsi qu’aux enseignants. Certaines ressources contiennent un livret pédagogique permettant à l’enseignant ou à l’animateur de s’approprier les sujets et de mener des expériences en proposant des exercices. Ce mode de pédagogie active est très intéressant car il permet aux élèves d’expérimenter généralement en groupe et d’apprendre plus facilement en pratiquant.

 Cet outil est intéressant et assez complet pour la classe : Panneaux d'exposition : Expliquer le changement climatique en classe - Réseau Action Climat.

On constate également que certaines ressources ciblent plutôt le « grand public », terme trop générique qui désigne souvent les familles. Ce sont des brochures de sensibilisation plutôt informatives, des serious game, des animations thématiques et des expositions présentées lors d’événements par des collectivités, ALEC, structures d’éducation à l’environnement et associations environnementales, acteurs institutionnels et parfois professionnels (entreprises).

L’avantage des expositions lorsqu’elles sont interactives et/ou sensorielles réside dans le fait qu’elles interpellent et apportent des connaissances aux visiteurs car ils expérimentent. Quand une exposition est trop globale, les visiteurs sont passifs et ne se sentent pas concernés, les messages diffusés ne l’atteignent pas. Ce type d’outil devient pertinent lorsqu’il aborde des préoccupations locales comme les vulnérabilités et les « solutions » adaptées au territoire des visiteurs. Quand une exposition est accompagnée, l’animateur devient le messager et l’interlocuteur qui répond aux questionnements du public, leur suggère des idées et peut induire des changements de comportement. Mais l’impact réel reste difficilement mesurable car le plus souvent il n’y a pas d’évaluation.

 Exemple : La plateforme de mobilisation ADAPTAVILLE de l’Agence parisienne du climat s’adresse à toutes-tous, elle « répertorie des solutions concrètes et opérationnelles pour accélérer l’adaptation des territoires urbains au climat futur ». Il s’agit d’une boîte à outils et d‘un programme d’animation territorial présentant différents types d’actions.

Les élus constituent une cible particulière car ils ont un pouvoir de décision d’où la nécessité de les accompagner pour les aider dans la prise en compte de l’adaptation au changement climatique. Ce public est parfois difficile à sensibiliser car leur vision n’est pas souvent sur le long terme mais sur la durée de leur mandat. On constate également que beaucoup d’élus méconnaissent et/ ou identifient mal en quoi consiste l’adaptation et quels sont les acteurs pédagogiques de leur territoire. D’où l’enjeu pour les pédagogues de les sensibiliser pour qu’ils comprennent les enjeux et qu’ils croisent les regards afin d’anticiper et de faire évoluer les pratiques. Prendre des mesures d’adaptation au changement climatique et faire en sorte d’obtenir l’acceptabilité de la population s’inscrit sur le long terme.

Les dépliants, brochures, vidéos et sites web relèvent du niveau de l’information, de la sensibilisation et de l’apport de connaissances, il en existe un certain nombre mais souvent ces ressources sont éparpillées, difficiles pour les élus qui ont peu de temps de les connaître.

 Exemple : La plateforme « Agir pour la transition écologique » de l’ADEME

Mettre les élus en situation (pédagogie active)

D’autres ressources pédagogiques comme les jeux accompagnés par un animateur permettent de mettre les élus en situation, par conséquent de les faire se questionner sur les enjeux locaux face aux vulnérabilités de leur territoire, les choix et actions à mettre en œuvre, etc. Il s’agit de leur donner les ressources pour qu’ils s’approprient l’adaptation et qu’ils mobilisent les habitants et acteurs de la société civile à agir localement. Encore trop peu d’outils tiennent compte du territoire, des activités locales, de la population…

Ils existent d’autres outils intéressants à utiliser car ils font appel à nos sens et facilitent la compréhension et la prise de conscience :

  • Les visites de sites permet aux élus de découvrir des expérimentations, d’enrichir leurs connaissances et d’échanger.
  • Les balades urbaines constituent un outil à explorer car on peut réunir des élus et des habitants. Elles favorisent l’écoute, les échanges et le partage sur le terrain. On peut y aborder par exemple les questions de vulnérabilités (inondation, sécheresse…) avec une approche transversale des thématiques : l’histoire, la géographie, l’aménagement du territoire, les ressources, etc.

Toutes ces approches qui consistent à faire participer les élus et habitants sur l’adaptation au changement climatique sont indispensables d’où l’intérêt de faire appel à des professionnels de la pédagogie notamment locaux (Agence locale de l’énergie, association d’éducation à l’environnement, acteurs professionnels…) pour faciliter la compréhension et l’appropriation de l’adaptation.

Il existe quelques outils ciblant les professionnels notamment du bâtiment, l’entrée est plutôt thématique mais on commence à voir des ressources (guides) qui abordent la question de l’adaptation notamment sur le confort d’été et les éco matériaux, sur les risques et vulnérabilités. Le plus souvent ce sont des guides méthodologiques qui s’accompagnent de formations. Peu d’outils existent mais ils commencent à se développer depuis quelques années.

 Exemple : le « Guide des matériaux durables pour le bâtiment » de l’Agence Parisienne du Climat et de l’Observatoire de l’Immobilier Durable

Point de vigilance : la formation

  • Former les animateurs qui travaillent sur les questions d’adaptation au changement climatique est à prendre en compte pour délivrer les connaissances et les bons messages. Leur montée en compétence est donc essentielle pour créer ou/et développer des outils pédagogiques appropriés, apporter les connaissances nécessaires qui favorisent la réflexion et l’envie d’agir. L’animateur est la colonne vertébrale d’un support pédagogique, c’est lui-elle qui le fait vivre et ouvre la réflexion sur l’évolution de nos pratiques et de la société.
  • Sensibiliser et former les élus sont indispensables car ce sont les décideurs locaux, il est nécessaire de les outiller pour qu’ils puissent prendre des décisions de manière concertée avec les acteurs et les habitants du territoire. Il s’agit d’anticiper et de faire face aux vulnérabilités et à leurs conséquences. Le PRACC (Plan régional sur l’adaptation au changement climatique) et les outils qui l’accompagne a pour objectif de sensibiliser les élus aux enjeux de l’adaptation. Il les outille pour que les élus soient en mesure de prendre des mesures concrètes d’atténuation et d’adaptation sur leur territoire. L’inaction coûtera beaucoup plus cher que d’agir maintenant.

En conclusion

La thématique de l’adaptation au changement climatique est vaste car elle est transversale, technique et scientifique.
Pour l’instant, le champ pédogogique est insuffisamment investi. Il reste à concevoir des outils, non anxiogènes et suscitant l'adhésion, qui permettront aux différents publics de bien comprendre ce qu’est l’adaptation, d’assimiler la culture « risque », de se questionner et de chercher des solutions pour répondre aux défis, notamment sur le plan local.

Certains outils abordent essentiellement la question du climat ou bien ciblent un seul impact, alors que l’adaptation demande une réflexion « à 360° ».
Il manque plus particulièrement des outils de terrain, « outils vivants » qui mettent en situation les publics pour éveiller et éclairer leur conscience et favoriser l’envie d’agir.
Il serait nécessaire de vulgariser davantage des connaissances scientifiques et d’expliquer simplement les scénarios auxquels les populations vont être exposées et comment s’y préparer au mieux.

La prise de conscience collective du changement climatique s’avère incontournable, elle conduira à une évolution de la société, de ses usages et pratiques en termes de : mobilité, travail, ressources, consommation, agriculture, alimentation, énergie, économie, loisirs, etc.
En termes de coûts, une adaptation pertinente anticipée sera toujours moins onéreuse qu'un traitement a posteriori.

L’été 2022 et l’hiver 2023 ont montré à quel point l'ensemble des territoires de l’hexagone sont exposés au changement climatique, l’Île-de-France n’a pas été épargnée. Cela va demander un effort de tous pour apprendre à mieux gérer nos ressources et à repenser l’organisation de la société. La sensibilisation et la pédagogie sont des leviers pour y parvenir.