Retour sur la visite de la zone tampon humide de Rampillon

 20 juin 2023 –    Rampillon (77)

Le 20 juin dernier, l'AREC et l'ARB Île-de-France, en partenariat avec Aqui'Brie, l'INRAE et le Syndicat mixte des 4 Vallées de la Brie ont organisé une visite de la zone tampon humide de Rampillon en Seine-et-Marne. 

Près d’une vingtaine de techniciens et d’élus de collectivités territoriales et d’institutionnels ont pu profiter des enseignements issus de l’expérimentation de ce site pilote pour l’Île-de-France, site référencé dans le projet européen Life Artisan.

Tous les participants ont apprécié cette visite de terrain qui démontrait l’importance de restaurer une zone humide, son rôle et l’apport de la biodiversité.

La nappe phréatique de Champigny

Ce site se situe sur la nappe phréatique de Champigny s’étendant sur 3 départements (Essonne, Val-de-Marne, Seine-et-Marne). L’eau circule entre les roches calcaires de la nappe.

Il faut imaginer la nappe comme une gigantesque éponge imbibée d’eau. Patrimoine exceptionnel, la nappe de Champigny alimente 1 million de Franciliens en eau potable (en effet, 92 % de son eau est utilisée pour la production d’eau potable, le restant au service des besoins industriels et agricoles).

Cette nappe est alimentée essentiellement par l'absorption des eaux superficielles (rus, ruissellements, drainages agricoles), par les gouffres et les pertes en rivières (cours d’eau disparaissant totalement ou partiellement par infiltration ou dans un gouffre) et d'autre part, par l'infiltration de l'eau de pluie. La recharge se fait principalement en hiver.

Les gouffres sont des cavités qui s'ouvrent dans les régions calcaires. Quand ils sont poinçonnés, les eaux superficielles s’infiltrent facilement jusqu’à la nappe (illustration ci-contre).

Les principales menaces pesant sur la nappe sont liées aux prélèvements et aux problèmes de pollution générée par les activités humaines (nitrate, pesticides). Le changement climatique exacerbe ces fragilités (sécheresses, modification de la distribution des précipitations dans l’année notamment).

« Les activités réalisées en surface ont des impacts sur la nappe »

Pour faire face à ces enjeux, l’association Aqui'Brie fut créée en 2001. Lieu de dialogue entre différentes parties prenantes sur la gestion de la ressource en eau de la nappe de Champigny, Aqui’Brie se fixe deux objectifs : reconquérir la qualité de la nappe de Champigny et protéger la capacité de renouvellement de la nappe.

C’est dans ce contexte que le projet de la zone humide tampon de Rampillon a pu émerger.

La zone tampon humide artificielle de Rampillon

Pour faire face aux nombreux impacts liés aux effets du changement climatique, différentes typologies de solutions sont à développer et en particulier les solutions d’adaptation fondées sur la nature (SafN).

« Le concept de SafN est récent. Selon l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), ces actions consistent à protéger et à restaurer des écosystèmes naturels, afin de s’appuyer sur leur fonctionnement pour relever le défi du changement climatique. Elles doivent aussi absolument présenter des bénéfices pour la biodiversité. » (source : Centre de ressources pour l'adaptation au changement climatique).
Ces solutions pourront par exemple apporter des éléments de réponses pour rafraîchir les villes, faire face aux inondations et préserver la ressource en eau. C’est ce dernier point qui est visé avec la zone tampon de Rampillon. Comment se définit une zone tampon ? « Une "zone tampon" représente une surface susceptible d’intercepter les ruissellements, voire des écoulements de surface, concentrés ou diffus et de réduire les pollutions qui y sont associées. Par exemple, les bandes enherbées, les ripisylves ou les prairies humides ou encore les surfaces en eau, généralement végétalisées, le plus souvent artificiellement ». (source : Aqui’Brie). Une zone humide permet également de tamponner les eaux de pluie en hiver pour limiter les ruissellements et inondations et constitue une réserve d’eau en été lors des sécheresses. Dans le cas de Rampillon, on fait ici référence à un plan d’eau libre (alimenté notamment par les eaux superficielles) et d’une végétation spécifique. Cette zone retrouve sa fonction originelle, en 2012, après avoir suivi, au cours des dernières décennies, différentes évolutions de son état (friche humide, zone boisée, culture).

Plus le temps de séjour des polluants est long dans ce plan d’eau, plus la zone tampon sera efficace pour les dégrader, améliorant ainsi la qualité de l’eau s’écoulant dans la nappe.

Cela ne signifie pas que la zone tampon est un permis pour polluer. Son action est complémentaire à celle d’une réduction à la source des polluants.

Le rétablissement de la zone humide en 2012 a été possible grâce au partenariat et à l’implication de trois structures : Aqui’Brie, l’Inrae et le syndicat mixte des 4 vallées de la Brie. Leurs rôles peuvent être schématisés comme suit :

Les principaux enseignements

Après plusieurs années de mesures et d’observation, des résultats ont pu être produits révélant les différents services rendus par la zone humide.

Amélioration de la qualité de l’eau

La zone humide de Rampillon est efficace pour réduire les polluants. Cette efficacité est variable selon les années et les saisons. La réduction des pesticides varie ainsi d’une année sur l’autre entre 25 et 55 %, avec une moyenne de 37 % par an.

À noter également que les résultats peuvent se lire aussi en fonction de la famille de pesticides considérés. Sur 3 ans d’études, le constat est le suivant : une diminution de 29 % pour les herbicides, 57 % pour les fongicides et 10 % pour les insecticides.

Ces résultats sont au service des agriculteurs pour les aider à faire des choix dans les modules de pesticides sans oublier in fine l’objectif de réduire les polluants à la source.

Enfin, les intervenants ont rappelé que pour atteindre des objectifs de qualité de l’eau, 1% du territoire du bassin versant doit être dédié à une zone humide. La zone de Rampillon (1,7 hectares), représente 0,15 % du territoire versant avec des résultats significatifs montrant l’intérêt de ce type de site.

Refuge pour la biodiversité

Les zones humides sont des écosystèmes particuliers qui présentent une biodiversité riche et spécifique à ces milieux. Beaucoup d’espèces diverses cohabitent au sein de la zone (oiseaux, invertébrés, insectes).

Sur une surface pourtant petite, 40 % des espèces de libellules en Île-de-France sont ainsi présentes. Ces milieux et leurs espèces associées ayant connus des disparitions importantes en Île-de-France depuis le début du XXe siècle par l’urbanisation et le changement des pratiques agricoles, leur restauration doit être une priorité pour favoriser la biodiversité francilienne. L’aménagement de la zone a démontré son intérêt pour la qualité de la biodiversité et offre l’opportunité d’héberger des auxiliaires pour l’agriculture.

Stockage carbone

Une zone humide peut assurer une fonction de puits de carbone à condition d’avoir atteint une certaine maturité (150 ans « d’existence »). Ce point nous permet d’ouvrir plus globalement la question du stockage de carbone des sols. Comme évoqué lors du cycle de rencontre sur le ZEN, le stockage carbone des sols dépend de leur occupation : ainsi, des changements d’occupation des sols peuvent entraîner d’importants déstockages de carbone. Par ailleurs, le processus de séquestration carbone dépend de la nature des sols, qui n’ont pas tous la même aptitude à rendre des services écosystémiques. L’Île-de-France a la chance de disposer notamment de sols limoneux en grande quantité, particulièrement favorables à la régulation du climat (stockage de carbone, rafraîchissement de l’air). On considère en Île-de-France que le stock de carbone dans les sols (hors végétation) est plus important dans les prairies que dans les forêts.

Les perspectives

La visite de la zone humide de Rampillon a démontré les multiples co-bénéfices qu’une zone humide pouvait générer sans oublier la fonction récréative et pédagogique.

Demain, les porteurs de cette expérimentation envisagent le développement de nouvelles zones humides dans le cadre des projets Ancoeur 2030 et Life ARTISAN, à l’exemple d’un espace naturel sensible (ENS) pouvant accueillir une zone humide pour faire face aux inondations ou de la reconnexion d’un étang à 3 cours d’eau pour freiner la perte de sa valeur écologique.

La zone humide de Rampillon, exemple type d’une solution d’adaptation fondée sur la nature, se « classe » aussi comme une solution sans regret et à moindre coût.

Venez découvrir ce site à l’appui d’un parcours pédagogique organisé autour de la zone humide !

Nous remercions vivement les intervenants ayant animé le parcours de visites et partagé leurs enseignements :

  • Arthur Fournier, technicien de rivière, Syndicat Mixte des 4 vallées de la Brie
  • Julien Tournebize, chercheur en hydrologie et ingénierie écologique, UR HYCAR, INRAE, centre de Jouy en Josas – Antony
  • Julien Voyé, chargé des démarches territoriales de concertation, Aqui'Brie

 

Rappel du programme

Le programme de la visite, à l'appui des expertises pluridisciplinaires des intervenants, nous permettra de traiter des éléments suivants : 

  • le fonctionnement d'une nappe phréatique, celle de Champigny, face aux enjeux associés avec le changement climatique,
  • les co-bénéfices des zones humides pour la qualité et la quantité de la ressource en eau et pour la biodiversité,
  • la présentation du site de Rampillon, ses caractéristiques et les expérimentations qui y sont en cours,
  • la présentation des projets de zones tampon sur les bassins versants du SM4VB dans le cadre du projet Ancoeur2030 ARTISAN notamment.

Cette visite s'inscrit également dans le cadre du programme européen d'apprentissage entre pairs Energee Watch.

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