Outils financiers de rénovation énergétique pour les collectivités : l'intracting

 21 juin    L'Institut Paris Region

La nouvelle réglementation ("Décret tertiaire") impose une réduction progressive des consommations énergétiques visant à économiser 60% d’énergie finale dans les bâtiments tertiaires à l’horizon 2050.
Elle s’adresse aux propriétaires et locataires de bâtiments ou locaux d’activité à usage tertiaire dont la surface d’exploitation est supérieure ou égale à 1 000 m².
Pour s'y retrouver parmi les dispositifs existants, l'AREC a organisé récemment un atelier présentant les principaux outils à disposition des collectivités pour financer leurs travaux de performance énergétique. 
L'intracting*, dispositif financier innovant et vertueux, a fait l'objet d'une présentation détaillée.

Résumé des interventions de notre atelier du 21 juin

Emmanuel Le Duc est responsable d’études Bâtiments au CEREMA.

Le renforcement des exigences environnementales se traduit au travers d’évolutions législatives importantes : Grenelle de l’environnement en 2010, Loi Transition énergétique pour la croissance verte en 2015, loi ELAN en 2018 et loi Climat et résilience en 2021. Le dispositif Eco énergie tertiaire a été introduit dans l’article 175 de la loi ELAN : « Des actions de réduction de la consommation d'énergie finale sont mises en œuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments à usage tertiaire afin de parvenir à une réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010 ». Le décret tertiaire a été voté en juillet 2019, complété depuis lors par plusieurs arrêtés.

Les assujettis sont les suivants :

• Catégorie d’activité tertiaire publique comme privée

• Bâtiments existants quelle que soit leur date de construction

• DOM aussi concernés

• Les obligations de réduction de consommations d’énergie concernent autant les propriétaires que les preneurs à bail des bâtiments assujettis

• Rares exceptions (lieux de culte, constructions provisoires, ...)

• Seuil de 1 000 m² (surface de plancher*) : 3 cas de figure

· Bâtiment à usage exclusivement tertiaire (surface ≥ 1 000 m²)

· Partie d’un bâtiment à usage mixte (dont cumul surface tertiaire ≥ 1 000 m²)

· Ensemble de bâtiments sur une même unité foncière ou même site (avec surface tertiaire cumulée ≥ 1 000 m²)

Les assujettis doivent dans un premier temps déclarer leurs données de référence (consommations sur 12 mois glissants via factures ou compteurs entre 2010 et 2019 et indicateurs d’intensité d’usage correspondants) dans la plateforme OPERAT (Observatoire de la Performance Énergétique, de la Rénovation et des Actions du Tertiaire) opérée par l’ADEME, tous les ans à partir de 2022. Ils ont pour cela la possibilité de déléguer la transmission des consommations d’énergie à un prestataire ou, aux gestionnaires de réseau de distribution d’énergie.

Enfin, il existe plusieurs leviers de mise en œuvre des actions de performance énergétique : le programme ACTEE de la FNCCR, les aides à l’ingénierie et à l’investissement de l’ADEME, les aides à l’ingénierie et les outils financiers (prêts, intracting) de la Banque des Territoires

Emmanuel Le Duc, CEREMA : Décret Tertiaire, obligations et actualités

Olivier Perier est directeur commercial marchés Collectivités & Tertiaire chez Dalkia et vice-président du SNEC, le syndicat national de l’exploitation climatique et de la maintenance au sein de la FEDENE.

Nous sommes dans un contexte énergétique risqué, imprévisible et contraignant. Les prix du gaz s’envolent et resteront à des niveaux élevés de façon durable. Donc plus on investit dans les économies plus le retour sur investissement sera rapide. Depuis un an, on assiste à une accélération du prix de l’électricité, lui-même corrélé à celui du gaz, avec des problèmes d’approvisionnement et de capacités qui demandent aux collectivités de faire des efforts et notamment de travailler sur la sobriété énergétique. Enfin, le prix du CO2 est en train de flamber et donc cela va demander de verdir les équipements.

Du côté du contexte réglementaire, avec le décret tertiaire, on mesure maintenant la performance réelle et non plus théorique. En outre, la circulaire Castex d’avril 2022 qui s’applique aux bâtiments de l’État (tout en incitant fortement les collectivités à le suivre) impose une température de 19°c le jour et 17°c la nuit.

Tout ceci mène à mettre en place des actions de sobriété et d’efficacité énergétiques.

Des dispositifs contractuels sont à disposition des collectivités en fonction des objectifs qu’elles se fixent et de leurs budgets disponibles.

Il existe quatre grandes typologies de contrat avec engagement de performance énergétique :

  • Le contrat de maintenance avec intéressement sur les consommations énergétique (Pfi)
  • Le marché de température avec intéressement (Mti)
  • Le contrat de Performance Énergétique / Marché Public Global de Performance (CPE/MPGP)
  • Le marché Global de Performance (MGP

La sensibilisation des usagers est un point crucial pour l’atteinte des objectifs d’économie d’énergie et les formations / sensibilisations sont à répéter dans la durée. À titre d’exemple, on peut citer les concours Cube+ et Cube+S de l’IFPEB ou encore le programme Watty.

Les sanctions OPERAT n’ont peut-être pas d’impact mais un bâtiment est un actif auquel les immobilières font attention. Actuellement, les collectivités sont en retard sur la mise en œuvre du décret. Le secteur du commerce et celui de la santé ne se sont pas encore engagés dans la démarche.

Enfin, il est important de souligner le rôle majeur des energy managers dans les entreprises et collectivités et parallèlement, tout cela nécessite d’avoir le courage de faire appliquer les lois.

Olivier Perier, FEDENE : Du contrat de moyen au CPE, quel outil pour quel projet

Thomas Sanchez est responsable d’investissement Numérique et TEE à la Direction Régionale Île-de-France de la Banque des Territoires.

Dans les collectivités, il y a une infinité de réalités avec celles qui ont déjà réalisé des schémas directeurs ou des audits ou d’autres qui n’ont pas encore de suivi de leurs consommations ou même de vision précise de leur patrimoine. La Banque des territoires accompagne les collectivités aux différentes étapes de leurs démarches que ce soit à l’échelle d’une stratégie sur l’ensemble de leur patrimoine ou à l’échelle d’une programmation sur certains bâtiments, tant pour des besoins de connaissances techniques que de modes de contrats. Le rôle premier est bien celui des solutions de financement.

L’offre Intracting de la Banque des Territoires se présente comme suit :

Les caractéristiques sont les suivantes :

  • Un cofinancement des études préalables externes (en particulier définition des actions de performance énergétique) = 50% du montant (maximum 50K€)
  • Un financement des travaux jusqu’à 100% du besoin de financement en avances remboursables à un taux fixe de 0,75% et dans la limite d’un financement BDT de 3 millions d’euros
  • Une durée de convention jusqu’à 13 ans maximum (remboursement du financement),
  • La mise à disposition d’un accès à une plateforme de suivi des consommations énergétiques nécessaire au suivi des économies (données transmises par la personne publique)
  • L’abondement est effectué selon un planning opérationnel et budgétaire
  • La BDT libère les sommes en maximum 2 étapes,
  • La collectivité engage son budget annuellement sans effort supplémentaire,
  • L’échéancier de remboursement est calé sur les économies.

Les économies générées permettent de rembourser l’investissement et de maitriser la facture énergétique.

Les bouquets de travaux concernés sont les suivants :

  • Chauffage Ventilation Climatisation
  • Installation de circulateurs et pompes performante
  • Changement de chaudière
  • Pose de têtes thermostatiques sur les radiateurs
  • Modulation de débits sur les centrales de traitement d’air
  • Récupération d’énergie
  • Électricité
  • Renouvellement de sources lumineuses obsolètes,
  • Changement d’ampoules, pose de LED
  • Détection de présence, minuteries, horloge de coupures
  • Pilotage et régulation
  • Régulation des équipements de chaleur
  • Pose d’horloge sur les systèmes d’extractions
  • GTB-GTC Equilibrage de réseaux
  • Eau
  • Vannes de sectorisation sur réseau AEP
  • Dispositifs hydro-économes simples
  • Éclairage public
  • Passage LED,
  • Détection régulation,
  • Capteur IOT (vidéo, stationnement, détection, qualité de l’air, WIFI,…)

Il existe aussi un contrat d’intracting sécurisé qui est mis en place pour des opérations dont la performance garantit au moins 40% d’économie d’énergie et qui associe un contrat de performance énergétique.

Les collectivités ont tout intérêt à se regrouper, à mutualiser un poste de conseiller en énergie partagé ou à s’associer à un syndicat d’énergie pour optimiser leurs opérations de performance énergétique.
De plus, la loi prévoit la mutualisation des intracting à l’échelle EPCI (et dans ce cas, les communes de l’EPCI ne sont pas toutes obligées de participer à l’intracting).

Thomas Sanchez, Banque des Territoires : Intracting mode d'emploi

Céline Christé est en charge de la gestion budgétaire et financière au service finances de la Ville de Saint-Louis, en Alsace.

La ville qui compte 20 000 habitants est engagée depuis plusieurs années dans la démarche de labellisation Territoires engagés pour la transition écologique (ex Cit’ergie) et dans ce cadre mène une politique ambitieuse d’amélioration des performances énergétiques de son patrimoine bâti.

La ville a commencé par lister les bâtiments et leurs consommations et a engagé deux rénovations lourdes (conservatoire et école) puis s’est engagée dans une mission d’études pour identifier des économies d’énergie dans plus de 50 sites.

En 2019, la ville a signé une convention d’intracting avec la Banque des Territoires sur un lot de 15 bâtiments et pour 700 000 euros de travaux, avec 340 000 euros d’avances remboursables au taux de 0,25%. Il était attendu 433 MWh économisés et une dépense annuelle évitée de 60 000 euros

Cela s’est concrétisé par 17 actions de performance énergétique réalisées entre 2019 et 2021 :

  • Un raccordement au réseau de chauffage urbain
  • Du relamping dans quatre bâtiments
  • L’installation de deux générateurs à granulés bois
  • Des travaux d’optimisation du chauffage et du traitement de l’air dans huit bâtiments
  • L’installation de déstratificateurs d’air dans des bâtiments sportifs

Un bilan a été réalisé en juin 2022 entre l’année de référence 2018 et les données de 2021 qui fait apparaitre une économie de 130 000 euros (60 000 euros attendus) malgré les aléas des années 2020-2021, fermetures et exigences d’aération des locaux dues au Covid et une hausse des prix de l’énergie.

Il est également prévu dans la convention des actions de sensibilisation auprès des personnels scolaires et ceux de l’hôtel de Ville sur les domaines suivants :

  • Introduction à la transition énergétique
  • L’énergie que nous consommons
  • Les écogestes « Chauffage »
  • Les écogestes « Électricité »
  • Les écogestes « Bureautique »
  • Les écogestes « Eau »

Le suivi des consommations est assuré par un groupe de travail technique tous les trimestres pour l’électricité et pour l’eau à partir des relevés des gestionnaires de chaque bâtiment. Jusqu’à présent, ce groupe de travail était composé des membres du comité de pilotage Cit’ergie mais un conseiller en énergie partagé est mis à disposition par l’agglomération pour appuyer ce suivi.

Il était attendu 433 MWh économisés et c’est en fait plus de 1 000 MWh qui ont été économisés, mais dont une part est la conséquence de la crise Covid et cela reste donc à confirmer.

Une deuxième convention d’intracting est en préparation une nouvelle fois pour financer 100% des travaux et qui concerneront du relamping pour 770 000 euros et qui sont destinés à éviter la consommation de 352 MWh d’électricité par an sur trois bâtiments et 725 points d’éclairage public au minimum. Saint-Louis a obtenu de la Banque des Territoires le maintien du taux à 0,25% (qui s’élève à 0,75%).

Les conventions d’intracting comprennent un bilan technique et financier, un plan de financement et de remboursement, une méthodologie et un suivi financier par bâtiment. Les conditions sont figées non pas au moment de la signature du contrat mais une fois que la liste des bâtiments et des travaux retenus est arrêtée. La communication de la liste donne droit au premier versement et le deuxième intervient au bilan.

Céline Christé, Ville de Saint-Louis : Retour d'expérience de la collectivité

*L’Intracting est un dispositif financier innovant qui consiste à réaliser des travaux de performance énergétique générant des économies d’énergie avec un temps de retour relativement court. Ces économies sont directement affectées au remboursement des avances, voire au financement de nouveaux projets, formant ainsi une sorte de cercle vertueux.

Rappel du programme

Animation : Marie-Laure Falque Masset, AREC Île-de-France

Accueil des participants et tour de table

Interventions et questions / réponses

Emmanuel Le Duc, CEREMA : Décret Tertiaire, obligations et actualités

Olivier Perier, FEDENE : Du contrat de moyen au CPE, quel outil pour quel projet

Thomas Sanchez, Banque des Territoires : Intracting mode d'emploi

Céline Christé, Ville de Saint-Louis : Retour d'expérience de la collectivité

 

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