Low-tech et sobriété, de la conception à l'usage

Restitution de l'atelier de la Fabrique francilienne des sobriétés

Atelier du 1er juillet 2022

La low-tech, c’est l’ensemble des technologies utiles, plus durables, plus simples, réparables, moins consommatrices d’énergie grise, visant une forme de sobriété énergétique et matérielle.
Dans son ouvrage “L’âge des low-tech : vers une civilisation techniquement soutenable”, l'auteur Philippe Bihouix, propose de prendre le contre-pied de la course en avant technologique en se tournant vers ces "basses technologies".

Définitions, enjeux, récits, facteur humain, valeurs créées et retours d’expériences des low-tech ont été au menu de cet atelier.

Les interventions

Le Labo ESS a réalisé une étude « Pour des métropoles low-tech et solidaires » en 2021, en partenariat avec six métropoles (Bordeaux, Lille, Paris, Strasbourg, Poitiers et Lyon).
Florian Laboulais est revenu sur la définition et les enjeux de la low-tech. Nos sociétés font de plus en plus appel à un système d’objets techniques. On est passé dans le techno-solutionnisme. La low-tech, ce n’est pas refuser cela mais c’est un questionnement sur le besoin légitime. Une fois le besoin posé, on cherche une solution proportionnée, la plus simple, la plus agile, la plus sobre, la plus accessible et la plus appropriable : la low-tech est une façon de poser la sobriété.

La ville low-tech est durable, plus inclusive, plus coopérative et plus apprenante. La low-tech devient un nouveau modèle urbain avec l’économie sociale et solidaire.

Premier enjeu : se loger. Il s’agit de moins et mieux construire : réemploi de matériaux de construction, valorisation des excretas, meilleur aménagement de l’espace public, implication des habitants

Deuxième enjeu : se déplacer. Développement des mobilités actives, rééquilibrage de l’espace public, accompagnement à l’achat solidaire, réparation et réemploi avec les structures ESS, développement de la logistique urbaine et notamment du dernier kilomètre, développement plus sobre des déplacements avec des solutions ESS de covoiturage et d’autopartage.

Troisième enjeu : consommer. Développer le don, le troc, les accorderies, le Do-It-Yourself, l’économie circulaire

Quatrième enjeu : produire et travailler. Reterritorialiser en développant l’artisanat, la mutualisation entre structures.

Pour Julie Mayer, enseignante-chercheuse à l’École Polytechnique, la sobriété est une façon d’organiser l’action collective en matière d’écolieux et de low-tech, c’est-à-dire comment modérer sans imposer. Il y a une différence entre un système low-tech (Utile, accessible, favorisant l’autonomie et local - ADEME, 2022, LowTechLab) et une démarche low-tech qui dans une optique de durabilité questionne nos besoins réels et développe des solutions aussi faiblement « technologisées » que possible […] (La Fabrique écologique, 2019). . Selon l’ADEME, les principes de la low-tech sont 1) questionner les besoins 2) avoir une démarche tournée vers le bien-être, la convivialité 3) questionner la technique. Or le problème est que la low-tech est souvent centré sur un problème technique au départ mais pas sur les usages, la manière de les utiliser. La low-tech est un ensemble de pratiques socio-techniques qui sont elles mêmes porteuses de tension entre limites et libertés. Il s’agit en fait de modérer sans imposer.

Le Campus de la transition, à Forges, a mené une expérimentation low-tech dans la continuité du projet Orfee de l’AMI low-tech de l’ADEME : il s’agit de l’opération Sibérie, démarche participative de sobriété de recherche de solutions pour répondre aux besoins de chauffage : expérimentation du chauffage des personnes et non des lieux, mutualisation des espaces et réduction des volumes chauffés, médiation et monitoring des actions. Il s’ensuit des effets de sobriété (baisse des consommations d’énergie) et de la création de valeur (baisse des factures, fierté ressentie, sensibilisation et démocratie) : les écolieux peuvent être des mini laboratoires de sobriété à l’échelle collective.

Antoine Martin a présenté l’étude de Sentier Ergonomie sur l’importance du facteur humain dans la sobriété technique. L’étude « Cartographie du concept low tech » visait à définir les contours de la low-tech avec la méthode du tri de cartes. Il en ressort que la low-tech doit être locale, spécifique à un territoire, psychologiquement transformatrice, techniquement soutenable, radicalement utile, démécanisé, critique, autonomisante et de conception renouvelée.  La low-tech est « un ensemble d’objets, de services et de pratiques dont la conception est contrainte par la nécessité de prendre soin des humains et des milieux de production/d’utilisation dont ils font partie ». D’autres travaux sur l’étude des problèmes utilisateurs ont conduit à formuler sept pistes de recommandation : Identifier les besoins prioritaires et les fonctionnalités nécessaires (ex de la lampe solaire sans bouton off/on), Trouver l’équilibre entre empouvoirement et assistance, Développer les aspects non-fonctionnels (par ex l’esthétisme), Faciliter la découvrabilité (ex du marquage des vis dans un téléphone), Rendre l'artefact transparent, Développer les connaissances et compétences techniques de l'utilisateur, Supporter les flux de matériaux associés.

Pourquoi la complexité technique attire les concepteurs ? Le développement technologique est alimenté par un mécanisme cumulatif de complexification. Le développement technique est un moyen pour les concepteurs d’exprimer leurs succès techniques. Il existe un effet de conformité (design fixation) : les concepteurs se fient trop à leurs connaissances actuelles du domaine, ce qui limite leur capacité à imaginer des idées de solutions. Certains experts techniques ont une confiance excessive dans l'efficacité de la technologie pour résoudre les problèmes associés au changement climatique (Technosalvation/Technosolutionnisme (biais d’optimisme), cf. Gifford). Et enfin, La conception n’est pas un exercice hors sol d’optimisation entre l’utilité et la technique, mais un exercice qui se déroule dans un contexte commercial, économique et de développement technique.

La sobriété technique nécessite d’accompagner les utilisateurs, il ne faut pas non plus négliger la sobriété comportementale et enfin ne pas sous-estimer que les solutions low-tech seront différentes selon les territoires.

L’Institut Paris Region conduit des travaux sur la ville low-tech : l’étude « La ville low-tech, vers un urbanisme de discernement » et « La ville low-tech en 2040 » un récit prospectif mené avec Philippe Bihouix de l’AREP et Quentin Mateus du low tech lab.
Cristina Lopez de L’Institut présente ce dernier travail prospectif. La low-tech est une démarche évolutive et systémique, qui remet les individus en capacité d’agir dans leurs territoires. Il s’agit d’un voyage dans le temps, qui ne se fera pas si les règles ne changent pas (politique, législatif, réglementaire, normatif, fiscal), ni sans une succession de crises (environnementales, sociales, sanitaires), c’est une utopie, c’est subversif mais cela correspond à l’aspiration de beaucoup. Cristina fait ensuite le récit de cette vie low-tech en 2040 que l’on peut écouter ici.

Rappel du programme

Animation Marie-Laure Falque Masset, AREC

Interventions suivies des échanges avec les participants :

Florian Laboulais, Le Labo ESS

Julie Mayer, École Polytechnique

Antoine Martin, Sentier Ergonomie

Cristina Lopez, L’Institut Paris Region

 Les prochains rendez-vous de la Fabrique francilienne des sobriétés

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